Chanson Française
 

 

La chanson française, le chanter réaliste

 
 

Le réalisme en chanson : une esthétique, un genre, un appel

Une esthétique de l’âpreté de la vie des peuples des campagnes avec Gaston Couté, des peuples urbains avec Jules Jouy, par exemple.

Une esthétique va toujours au-delà du genre où l’on veut la codifier et la canaliser, ce que tentera de faire le chansonnier Aristide Bruant au cabaret du Chat Noir.

Et cette expression fondatrice protéiforme des désespérances communes de la vie migrera de la saignée des mots vers cette transe de la voix.


Le moment culminant de ce chanter réaliste- là, il arrive avec bien des interprètes féminines des années 1930.  Edith Piaf, la cadette, en fut, en reste l’emblème le plus irradiant et le mythe le plus envoûtant.


Le chanter réaliste,
genre et ramifications

Une chanson réaliste : l'alliance des termes est bien paradoxale puisqu'en un sens, d'images sonores en images sonores, toute chanson nous mène vers une fiction, celle du souvenir, de la nostalgie, celle de l'effusion ou bien celle de lendemains plus beaux, ou mieux encore celle d'une poétique, d'un imaginaire méditatif
[1].

Il s'agit donc là d'une convention d'appellation pour désigner un répertoire très hétérogène - tantôt militant, tantôt dramatique - de chansons toujours nées dans une situation de crise sociale et s'offrant comme acte témoin, comme acte trace, de cet état politiquement, économiquement, humainement critique et souffrant. Aussi la veine réaliste qui s’opposa à l’art dit romantique - même, en dehors des grands courants de la mode musicale - est-elle difficile à épuiser. On avait des chansons réalistes au XIX°siècle, dans les années 1920, mais la grave crise actuelle de la société - via le rap, et autres groupes musicaux fait resurgir ce questionnement de récentes ramifications néo-réalistes dans la chanson. S’il fallait une seule preuve en musique de cette récurrence protéiforme de la sensibilité réaliste au sein même d’une chanson française d’âge classique, disons, je prendrai le morceau de rap composé par Colette Magny, Rap-toi de là que je m'y mette.

Dans le paysage sonore qu'elle installe durant sept minutes, en premier plan, il y a le phrasé précipité du rap, saturé de cris politiques, enchaînant les thèmes révolutionnaires ; en ponctuations plus lointaines, de second plan sonore, résonnent des ponctuations mêlant les standards des chansons réalistes d’un autre âge et connus de tous, Du gris que l'on prend dans ses doigts, que l'on roule …A deux voix, deux rythmes, le chant proposé reprend, retisse l'histoire. Il est vrai que souvent les chansons se répondent entre elles, ce qui les définit d’ailleurs comme une culture, comme un art à part entière puisqu’elles se nourrissent de leurs propres antériorités et références.



Du parolier à la chanteuse

Même si la chanson réaliste est loin d'être nécessairement une chanson engagée - au sens partisan du terme - ses mutations observables de la fin de la seconde moitié du XIX° à la fin des années 1960 sont, sur ce point, très probantes, il reste que cette chanson est celle qui toujours recueille, propose, fait circuler, fait vibrer l'écho des foules. Elle est celle qui stylise des images du peuple, des images dures, des images rouges, des images noires de sa vie, de son quotidien, de ses désordres ou de ses grandeurs ; elle est celle qui stylise des images pour éveiller, pour émouvoir, pour consoler aussi. Elle pose donc d'emblée, plus directement que toute autre parole chantée, la question du rapport étroit entre société et chanson, la question de leur mise en résonance, et de leurs échanges d'influences.

Association paradoxale des termes, dans le syntagme de « chanson réaliste » disais-je, au commencement. Sans doute, mais désignant toutefois un genre chanté bien réel, pourrait-on me rétorquer. Oui, peut-être un genre, c'est à dire une combinaison stylistique spécifique, incluant un style langagier, un style mélodique, musical, un style d'interprétation et de voix ; combinaison stylistique presque exclusivement localisée dans l'espace français, sur une période circonscrite de l'histoire. Mais un genre non unifié cependant, ce qui rend les choses plus complexes et nous incite même à nous méfier de cette catégorisation sous genre, aussi insatisfaisante sur un plan empirique que sur le plan de la formalisation.

Dans la seconde moitié du XIX°, les chansonniers des goguettes créent des chants révoltés, séditieux. Leurs accents sont ceux de la dénonciation concernant l'univers de la fabrique, la condition ouvrière, la paupérisation : Demain, dans cette usine, tu puiseras la mort, chante-t-on. Charles Gille - c'est lui l'auteur de ces mots -, Eugène Pottier, Jean-Baptiste Clément s'inscrivent dans cette mouvance d'une chanson réaliste militante où dominent le parolier et ses engagements. Après la première guerre mondiale, ce réalisme-là, écarté des nouvelles scènes du divertissement, ne trouvera plus d’écoute massive et ce malgré sa forte diffusion dans les fractions les plus organisées du prolétariat.

Sur les scènes du Caf'conc', les accents du genre réaliste sont tout autre. On pourrait alors parler de deux lignées, deux phases aussi de l'expression réaliste chantée. L'une où l'on dénonce la crise sociale ouvrière, l'autre où l'on interprète les drames du paria. Tout s'est déplacé. Avec des auteurs comme Jehan Rictus, Montéhus, la figure référentielle du peuple, c'est désormais le déclassé, « le réfractaire à l'ordre social », cela deviendra avec Aristide Bruant, « l'apache », « le truand » redoutable et fascinant pour la bourgeoisie même qui ne répugne à voir le peuple ramené vers ses marges les plus illicites. Et ce même si Jules Jouy, ancien ouvrier, l’un des plus prolixes paroliers du Chat Noir, fondateur du cabaret le Chien Noir chante « Filles d’ouvriers », ces couplets de feu écrits en 1898 et dont l’émotion peut encore nous parvenir avec la voix de Michèle Bernard.
[2]

Pâle ou vermeille, brune ou blonde,
Bébé mignon,
Dans les larmes ça vient au monde,
Chair à guignon.
Ébouriffé, suçant son pouce,
Jamais lavé,
Comme un vrai champignon ça pousse
Chair à pavé


A
quinze ans, ça rentre à l'usine,
Sans éventail,
Du matin au soir ça turbine,
Chair à travail.
Fleur des fortifs, ça s'étiole,
Quand c'est girond,
Dans un guet-apens, ça se viole,
Chair à patron.
Jusque dans la moelle pourrie,
Rien sous la dent,
Alors, ça rentre "en brasserie",
Chair à client.
Ça tombe encore: de chute en chute,
Honteuse, un soir,
Pour deux francs, ça fait la culbute,
Chair à trottoir.

Ça vieilli, et plus bas ça glisse...
Un beau matin,
Ça va s'inscrire à la police,
Chair à roussin;
Ou bien, "sans carte", ça travaille
Dans sa maison;
Alors, ça se fout sur la paille,
Chair à prison.

D'un mal lent souffrant le supplice,
Vieux et tremblant,
Ça va geindre dans un hospice,
Chair à savant.

Enfin, ayant vidé la coupe.
Bu tout le fiel,
Quand c'est crevé, ça se découpe.
Chair à scalpel.

Patrons! Tas d'Héliogabales,
D'effroi saisis
Quand vous tomberez sous nos balles,
Chair à fusils,
Pour que chaque chien sur vos trognes
Pisse, à l'écart,
Nous les laisserons vos charognes,
Chair à Macquart !


Serait-ce à penser deux versants discordants de la parole et du chant réalistes : un versant politique, un versant tout obscurci de mélancolie, quand le premier s'efface, le second se ravive et assure le renouveau du « genre ». C'est à ce second versant, à ce renouveau d'abord symbolisé par la figure de Fréhel, que nous allons nous intéresser.

En effet la recherche actuelle va à cet autre aspect de la chanson réaliste, passée de la voix nue de la rue à la scène ; elle va à ce néoréalisme qui, du début du XXème siècle à la fin des années soixante est associé à quelques grandes héroïnes de la voix populaire ; une veine au registre plus féminin que masculin, par conséquent. Encore dans les mémoires, encore source de référence, l'aura de ces voix a su capter une émotion durable. Cet autre « dire réaliste » n'est plus dans le message idéologique, il est dans le timbre, le grain de la voix de l'interprète ; il ne s'agit-il plus du même registre de réception et d'écoute. Sur un répertoire plus intimement dramatique, on entre dans l'émotion tactile du jeu vocal ... et ce, même si on est bien loin des coloratures bien éduquées, bien travaillées, bien lissées de l'art lyrique.

En un sens, les critiques de l'époque ne s'y trompèrent pas, c'est bien, sur la pâte vocale de la chanteuse réaliste qu'ils feront porter tout leur mépris de classe : « Elles sont célèbres, illustres même, toutefois elles sont la honte de la mélodie et la parodie du chant. Presque toutes ont une horrible voix grave éraillée, un contre alto dévié qui s'engorge, trois ou quatre notes basses et impures qui altèrent avec deux ou trois cris épais entre le dogue qui ronfle et les sales soupirs qui traversent les chambres de l'Asile de nuit. Elles hurlent ou elles râlent » (André Suares, critique de l'entre-deux guerres). Evocation du sale, de l'impur de la souillure, du cri, de l'animalité, de la folie, de la nuit ... cette oreille bien née est visiblement sous le choc.

Aussi dire que la chanson réaliste est, sur le siècle (1850-1950) où elle se déroule, passée de la contestation à la résignation, voire même à la lamentation, c'est réduire le chant à son argument thématique, c'est ne pas voir que se décline, s'invente dans l'interprétation féminine réaliste, un autre imaginaire de la parole populaire ; un imaginaire plus individualisé, plus trouble, plus baroque, très fortement identificateur, car plus en phase aussi avec les nouvelles utopies sociales en genèse : celle  du sujet désirant, celle des passions de l’amour et de la vie privée.

Mais plus que tout « c'est le périssable qui brille dans ce chant ». Roland Barthe écrit cela à propos d'un baryton - Panzera - baryton de l'entre-deux guerres qu'il met au dessus de tout, « même si sa façon de chanter est actuellement passée dans l'indifférence du démodé » ajoute-t-il. Et peut être en est-il de même des voix réalistes étudiées, peut-être est-ce semblable éclat mortel, nocturne qui les fait aimer.

Dans cette tonalité réaliste des années vingt, la femme paria, la gueuse, plus que le gueux se retrouve au centre du récit. Reprenant alors la tradition française de la complainte, sous les contours mélodiques d’un nouveau rythme musette, de tension érotique assez soutenue, avec une ambiance instrumentale ponctuée par l'accordéon, introduit sur scène par Fréhel, ces voix réalistes instillent des visions empreintes de malédiction. L'espoir révolutionnaire n'est pas encore émoussé, pourtant ces chants sont paroles de désenchantement - autre retour très pragmatique à la réalité. Ils s’inscrivent dans  des décors sombres : La rue sans nom, Les fortifs, Sous les ponts. Ils racontent des scénarios de chute. La coco, A la dérive,  Toute pâle etc. sont comme des chansons offertes à l’ombre, elles font partie des classiques de Fréhel.

Dans la chanson réaliste de cette période - qui fut souvent décriée pour ces accents rapidement qualifiés de « mélodramatiques » - il y a pourtant une force pérenne, une force aux sources lointaines, aux variantes culturelles amples, à l'écho affectif dense, cette force sera sa capacité à chanter le destin. C'est là s'inscrire dans une lignée immémoriale du chant des hommes. Chanter le destin personnel, collectif c'est le défier, c'est aussi y consentir - d'où cette ambivalence de l'interprète et de son répertoire. Chanter le destin, c'est à la fois le prononcer et le rompre, le pleurer, le déjouer et s'en consoler. Il faut pour cela, comme pour tout récit, des compagnons de destin à qui confier ses paroles - autrement dit des groupes socialement proches qui peuvent s'identifier à votre chant. Puis, il faut aussi un lien à l'universel où chacun dans le récit puisse se reconnaître. C'est bien ce que ces voix de femmes (notamment Fréhel, Berthe Sylva, Damia, Piaf) sont parvenues à saisir dans ce second souffle de la chanson réaliste, qui se présente, désormais, pour elles, davantage comme ce sang de l’âme, comme cette vie qui irrigue leurs veines que comme un genre avec codes, folklore et accessoires à assimiler ou porter.



Des voix tragiques


Cette résonance dolente du destin dans le chant, peut-être est-ce toujours sa vérité profonde ; peut-être est-ce toujours ce qui nous fait tressaillir ; ce subconscient tragique du chant dont on trouve trace dans toutes les civilisations.

Loin de nous, mais au berceau de notre culture, sous le soleil bleu de la Grèce, le choeur antique épouse, aux rythmes musicaux des dithyrambes, les combats du héros prisonnier d'un sort fatal dicté par les Moires et les Parques. Le chant du destin est, ici, symbole d’ampleur mythologique et s'élance face aux Dieux.

Beaucoup plus près de nous, stabilisée au XIX°siècle, une autre grande tradition historique de la plainte chantée, encore bien vivante, celle du flamenco gitano-andalou ... mais aussi, plus proche encore, celle du blues, du gospel noirs, nous rappellent que la source de cette hantise de la destinée ne se tarit pas et que ses constellations nous accompagne toujours.

De partout, somme toute, des voix cassées, tailladées, brûlées, des voix de rocaille font entendre cette déchirure immense des peuples ; de partout des chants, des chansons enroulent, fredonnent, enlacent dans leurs inflexions vocales, cette figure sombre de l'histoire qui précède notre naissance et qui nous entraîne, sublime et vaincu - toujours défait, comme le héros tragique grec - dans une chute vertigineuse.

Fréhel, Berthe. Sylva, Damia, Piaf : la nuance féminine tragique de leur réalisme s'inscrit dans cette voûte d'échos.

Et si les dieux contemporains se taisent, si les divinités se sont retirées, le chant du destin n'en est pas moins poignant - archaïquement poignant - toujours mystique avec ou sans dieu, pareil au cri, à l’appel fait poème, de l'homme dans le désert, le lieu même de sa durée, celui d’où l’on
tente d’arriver au bout des questions et à bout du vieux problème[3].

Si vous voulez me voir c’est facile je ne peux pas m’enfuir la terre est ronde !
Si vous voulez qu’on se cause, d’homme à homme, les yeux dans les yeux, Dieu : miserere !
[4]

Le cri, c'est bien l'univers vocal pathétique de ces « black ladies »dont il est question. Le désert, ce sera la rue où s'ancre leur expérience fondatrice, cruciale de la chanson, dans la solitude de la voix exposée à tous vents, de la voix projetée dans le masque, dans le vide de l'air ; de la voix ivre de puissance, celle qui, à toute volée, convient aux terrains vagues, aux espaces ouverts, aux attroupements distraits des chalands, des badauds ou promeneurs...

Cette expérience de la voix mise à nu dans la cour de l'immeuble, près du bistrot, au long des haltes, au hasard des pas marquera, sans doute, de façon décisive et leur audace vocale et cette qualité de don de leur voix, qui surprendra les foules... par sa force, son engagement profond, voire même sa tonalité pétrifiante, dans le cas de Piaf.

Le récit du destin n'a pas ici, de phrasé solennel, il s’inscrit dans la « petite forme » de la chanson, mais ce sont les ressources vocales de ses interprètes, l'énergie de leur dire qui dessinent, infligent, transcendent aussi - son entaille irrémissible et âpre. Le chant de la destinée, sera ce récit de vie embarquée « dans une suite indéfinie de la faute et du châtiment, de la provocation et de la descente aux enfers », il sera ce récit traversé par des voix tatouées aux couleurs d'un tragique finalement plus baroque qu'antique.

Ce réalisme-là, c'est l'incommunicable des destins malmenés qui a trouvé son abri dans le chant - abri contre la frivolité des dominants, peut-être... suggère Claude Javeau
[5].

Pour développer cela et pour esquisser cette puissance frontale du Fatum résonnant dans le son, le chant réaliste de ces femmes, on peut dire qu'il s'y dévoile sous trois vibrations essentielles, trois vibrations imbriquées qui se réfléchissent : un lyrisme de la souffrance, un lyrisme de l'origine, un lyrisme du crépuscule.

Le lyrisme du souffrir est central, diffus, innervant corps, visage, voix de l'interprète. La face, le visage et la main deviennent les deux éléments essentiels de la dramatisation, de la réverbération acoustique et visuel de l'émotion ; cherchant à décrire ce  lyrisme du souffrir, on peut dire qu’il a pour caractéristiques fondamentales :


• d'abord, une ambivalence


Chaque vérité est flanquée de son envers, de son double. Et là, dans les répertoires de ces chanteuses, il existe bien une duplicité du tragique qui, loin d'être cet univers monocorde de la soumission, de l'aliénation passive, se situe au contraire dans cette tension « entre le plein gré et le malgré soi » où se noue l'énigme du destin, qui est tout autant à accomplir qu'à subir.

Tragédie étymologiquement signifie "chant du bouc" ; elle est mi-religieuse, mi-littéraire issue du culte de Dionysos, ce dieu de transgression et de la confusion. Sans vouloir expliquer la réalité par son étymologie ou ses racines anthropologiques anciennes, il semble utile de retenir - à l'opposé d'une vision larmoyante plate - que le tragique de ces femmes-là est bien du côté de l'excès qui face à l'adversité, à la catastrophe inexorable maintient cette énergie désespérément en alerte, parfois même dans ce qui semble, double ou envers de la souffrance : l'énergie comique, l'énergie du rire, énorme... justement.

Le rire est ruse, il exprime de la souffrance. Le tragique est tension, il se livre sans défense, c'est sa face pathétique, mais il possède également sa face grotesque, celle de l'émotion biffée. Dans le répertoire de ces chanteuses réalistes, on oscille sur ces deux registres. C'est chez Fréhel que le contraste est le plus brutal ; elle qui symbolise le renouveau du « genre », elle qui est peut-être la plus douloureuse aussi, « la moins convenable », car la plus immédiatement en phase avec le monde du musette, de la zone, des déclassés.... ses compagnons du destin qui reçoivent de plein fouet cette communion entre rires et larmes, avec celle qui fut un temps appelée « la reine des apaches ».


La môme catch- catch, Tel qu'il est La valse des coups de pied au cul …
autant de titres à veine caricaturale; proches d'un comique forain. Sur l'autre versant, J'attends plus rien, Toute seule, J'ai le cafard, Sous les ponts, La maison louche, Du gris aussi qu'elle reprendra après Berthe Sylva, Comme un moineau, Musette : univers de la prison, de la drogue, de la danse, de la fête, de l'esseulement et du suicide organisent de la thématique Fréhel. Le rire est bien là comme repos passager du pathos, comme suspens fugitif d'une pleur, d'un cafard, d'un désastre social et intime fondateur du chant. Cette oscillation entre grotesque et pathétique, s'actualise, en modulations variables, bien sûr, selon les chanteuses prises en compte dans le corpus.

Très peu de grotesque chez Piaf, aucun chez Damia. Si nous n'avons pas toujours une configuration « comique, envers du tragique » comme chez Yvette Guilbert, autre grande figure, figure aînée de la chanson "naturaliste" du Caf'conc', c'est que l'ambivalence du tragique peut prendre une autre forme. Chez Piaf notamment, si ce n'est pas le rire, le grotesque qui assure ce suspens fugitif du destin, c'est la chanson d'amour. Amour fêté : Quand il me prend dans ses bras. Amour quitté : Balayez les amours, avec leurs tremolos je repars à zéro. Non pas chanter pour rire et déjouer un instant le drame, mais chanter le risque d'aimer comme rejeu provisoire du destin qui vous attend
au coin de la rue là-bas.


L’homme survit, voyez, debout, plus beau de désespoir humain !
Et d’attendre quelqu’un, quelqu’un, quelqu’un, quelqu’un, quelqu’un, quelqu’un
[6]

• Un enracinement chrétien, aussi.


Notons d'ailleurs là, toute la contradiction idéologique avec la chanson réaliste... définie par les paroliers contestataires. Toutefois plus que le renvoi à des valeurs, soit portées par le texte chanté, voire même exprimées dans les récits de vie des unes et des autres (Fréhel et Piaf notamment), la référence chrétienne tend ici à désigner une sorte de ferveur victimaire de l'imaginaire vocal de ces femmes. Chez Piaf et Damia, le chant est hymne, prière. Cette mystique incandescente du chant atteint d'ailleurs son acmé avec Piaf, véritable allégorie de la Passion dont le corps se décharne, se consume laissant à découvert le visage, le front - front de Bonaparte dira Cocteau - et les mains détruites. Mon travail sur le double plan et des archives sonores et des archives filmiques, télévisuelles, photographiques ... quand cela est possible, permet de saisir cette incarnation (au sens fort de l’incarnation christique dans le cas d’Edith Piaf) du tragique qui se dévoile dans l'espace et jeu scénique de leur interprétation.


• Une équivocité, enfin


Je parlais précédemment de dualité passionnelle du tragique ... je parle maintenant d'équivoque. En effet avec Damia, Fréhel, Piaf, toutes trois livrées à la puissance physique de la voix, on se situe sur une crête d'émotions liées aux bruissements, à la résonance du corps, autrement dit liés à un vertige d'énergie, de force où la distinction entre plaisir et douleur est supprimée. Cette douleur est un ravissement qui emporte celle qui chante et ceux qui l'écoutent. Sans cette érotique, cette extase de la souffrance, le chant perd de sa vitalité, il ne reste qu'un son plus plaintif comme dans les Roses blanches de Berthe Sylva - peut-être.

Leur voix est celle d'un réalisme tragique qui a touché le peuple... plutôt le peuple féminin peut-être, (on a du mal à trouver, ne seraient-ce que des traces de preuves, sur cette réception de l'époque). Elles ont touché tout le monde aussi parce que leur « cri » comporte non seulement et le drame et sa pause, mais aussi la plainte et sa consolation, mais aussi la honte et sa conjuration. Honte dont Levinas, le philosophe disait qu'elle était non pas la culpabilité mais « la présence à soi irrémissible et nue », qu’elle était « le fait de ne pouvoir se fuir, l'affect même du paria ». C'est sans doute grâce à cette superposition douleur - jouissance, grâce à cette danse de vie et de mort évoluant au coeur du chant que leur souffle a su si bien envoûter.



Dolorisme et mélancolie

Ce dolorisme qui est esthétisation et catharsis de la douleur est certes très manipulable politiquement, il se manifeste également sous la tonalité de ce que nous avons précédemment nommé un « lyrisme de l'origine ». L'essence du destin est cette répétition incessante du même, de l'histoire close, cette répétition infinie du passé dans tout présent, tout futur possible. Le chant, et plus spécifiquement, leur chant réaliste est - sous plusieurs indices - marqué par cette empreinte du réel passé, et sans doute est-ce là un de ces charmes étranges.

Au plus simple inventaire du titre des chansons, on constate que le thème de l’enfui domine la discographie Il est trop tard,Où sont tous mes amants, La guinguette a fermé ses volets. La discographie de Fréhel, notamment. La chanson est toujours du côté de la mémoire ; mais plus fondamentalement ce chant là se situe du côté d'un lourd désarroi archaïquement ancrée. Les paroles s'égrènent dans la reprise monotone de thèmes voisins, tel un interminable refrain, sur une trentaine de chansons, inscrites au répertoire d'une vie de scène. Je parle ici de Fréhel et de Damia.

Mais avec Cet air qui m'obsède et me suit, cet air n'est pas né d'aujourd'hui, il vient d'aussi loin que je viens, traîné par cent mille musiciens ... Piaf résume bien la situation.

Car peu importe ce faible renouvellement, cette faible étendue, puisqu’ il s'agit de dire et de redire l'essentiel, et peut-être de ne dire que lui... la galère sociale d'où l'on vient, la galère où l'on va. Et le chant s'envole, fait un inlassable retour au point d'attache initial, celui de la malchance, de la honte, de la nuit. La voix cassée, la voix grave, la voix « de cathédrale » (de Piaf), celle parfois pleurée, instable de Damia, déploie en facture différenciée, un déchirement natif. Cette complainte tourne sans fin, ce qu’accentue la forme rythmique fréquente de la valse ; elle tourne, tourne autour de l'intériorisation de ce centre original. Et ces chanteuses nous proposent d'entendre - chose rare - cette vibration d'une remémoration originelle.



Un art des ténèbres

Ce chanter est enfin celui d’un lyrisme crépusculaire. J'ai parlé de chanson de la perte. On peut même avancer en se référant à Fréhel, à Damia et à une partie du répertoire de Piaf qu'il s'agit d'un chant animé par une forme d’exaltation de l’abîme. Elles sont comme tenues par le mouvement de l’être qu’elles expriment.

On est par conséquent à l'opposé des visions rationalistes, progressistes, dominantes du siècle, qu'elles soient celles de la bourgeoisie ascendante ou bien celle, antagoniste, de l'utopie révolutionnaire socialiste, ouvrière.

En un sens, ces voix féminines rappellent au peuple qu'il faut toujours être pessimiste, elles font en tout cas, entendre ce ton noir de la vérité. Cela suffirait pour dire qu’à l'opposé de la philosophie des lumières, il y a une saga de l'ombre propre à ces voix et ces chants. Mais par cette appellation de « lyrisme crépusculaire », je tiens à insister davantage sur le rapport de ces chansons et de ces chanteuses à la fête, à un certain type de fête vertigineuse et nocturne, elle aussi en décalage avec le registre festif des convivialités populaires, ouvrières, pourtant les plus proches voisines de destinées susceptibles de se reconnaître dans le miroir de ces chansons-là.

La fête - ce triomphe de l'instant - est un élément décisif de cette économie du tragique ; elle est, elle-même tragique, ténébreuse, en son principe. Il y a certes le goût de la fête gracieuse, rapide, bénéfique de ce répertoire réaliste. Les chansons se nomment Musette, L'accordéon,La der de der, La java bleue ... elles suivent les pas légers, le coeur étourdi des danseurs. Mais la nuit ne s'arrête pas là. Elle resplendit au couchant et soir
après soir, la plaie vive[7].

Dans la nuit, on expérimente la transgression des limites, celle de l'énergie, celle de la raison, celle du sentiment. Ce sont toutes les escapades de Damia et de Fréhel - ensemble à leur début - qui passent au fil des heures, de salles de spectacle en cabarets dansants et viennent tanguer à l'aube dans quelque bar resté ouvert. Ce sont les célèbres insomnies de Piaf où l'on s'abreuve à tous les divertissements, ceux de l'alcool, ceux du chant ... et d'autres sans doute.

Bref, on comprend que la fête n'est pas seulement la fête bon enfant qui réunit la communauté, celle qui scelle la communion et la paix. Ici, la fête signifie dissolution de l'être, noyade. La fête se joue aux rives du néant. J'évoquais à propos du tragique, les thèmes de la transgression, de la confusion... leur voix, leur dire réaliste voyageant dans le sillage de ces démesures. Leur voix, leur dire portent l'écho de ces nuits étirées, errantes, de ces nuits bien plus longues que les jours.

Mais une fête où dissipation et disparition seraient synonymes, semble très proche de la fête aristocratique, libertine où l'enchantement et le désenchantement se côtoient, où le simulacre festif s'inscrit déjà comme prémonition de l'épuisement et de l'ennui. Et l'on pense à ces nuits insensées de Fréhel avec quelques groupes d'aristocrates, en mal de bamboche, à son périple avec la comtesse Anastasia de Russie, à ses déambulations noctambules à Prague, St-Pétersbourg en compagnie de nobles héritiers fous de spleen, joueurs à la Dostoïevski et dont certains se suicident à l'aube. Il y a là un flirt étrange de ces figures du peuple avec la décadence d'une autre classe, politiquement, économiquement mise en marge - curieux compagnons de destin, cette fois.

On évoque souvent ces faits dans les biographies de Fréhel, comme une sorte d'anecdote typique, allant de soi. Pourtant cela reste, pour moi, une sorte d'énigme : ce rapprochement entre marge dorée et marge noire d'une société à travers la médiation d'une chanson et de son personnage - interprète, en l'occurrence. Comme si la puissance captatrice transgressive du chant pouvait momentanément défaire l’ordonnancement social, l’ordre du temps, ce que symbolise ici l'espace de la nuit, la fuite illimitée dans la nuit de ces personnages réunis pour quelque rite dédié à Eros et Thanatos.



Des figures héroïques


La tragédie s'impose grâce à son héros. Cette époque voit des chansons issues d'un peuple marginal, devenir emblèmes de l'expression, des sentiments populaires, alors que la chanson plus exclusivement ouvrière, prolétarienne commence à se limiter, à se restreindre aux cercles partisans.

Ces femmes sont des archétypes ; elles offrent le portrait stylisé d'un tragique collectif. Elles chantent leur vie. A l'aide de quelques paroliers, pour arranger la légende, on va laisser croire que, pour elles, récit de la chanson et histoire de vie sont une seule et même chose. Cette fable extrême de la rue, des mômes de la cloche, des paumés... sera facilement appropriable et fortement identifiable par solidarité ou compassion. Ainsi s'élargit la foule des compagnons du destin à qui s'adresse la chanson... ceux qui vous ressemblent, ceux qui pourraient vous ressembler et ceux qui sont émus de cette radicale altérité.

Mais c’est ce tissage entre texte de la vie et texte du chant, ce sont ces effets cultivés de miroir entre biographie et chanson, entre épopée singulière et épopée sociale du malheur qui vont amplifier la puissance allégorique de ces interprètes. L'osmose de leur dire et de leur voix ajoute au pathétique rude de leur grain vocal. Et puis l'on pourrait dire que le public est déjà préparé à recevoir ces figures héroïques. Dans l'imaginaire collectif, les personnages romanesques de Cosette, de Fantine sont bien ancrés. Il existe un imaginaire social des gueux, dans lequel leur silhouette prend sa résonance.

Et cette quintessence populaire s’incarne, chez ces chanteuses, sous plusieurs traits. C'est souvent le visage ordinaire d’un peuple socialement éprouvé, que leurs chansons fait apparaître et dont elles surdimensionnent l’existence. Mais c'est aussi l'incarnation épique de la France tout entière que ces chants actualisent. On se rappelle de Piaf entonnant Le fanion de la Légion, déployant son impressionnante voix-drapeau sur cette marche assez ordinaire. On se rappelle de Damia, dans ce film d'Abel Gance, la Marseillaise, campant une figure de proue de la liberté aussi vaillante, que la célèbre représentation de Delacroix.

Elles sont allégories des sans-noms, des sans-voix devenues voix-cultes, voix élargies à l'universel national, à l'universel humain, à l’universel plus archaïque de frémissements communs. Elles sont retournée à la foule en somme, leur ego dissous dans cette sorte de subjectivité sans sujet du héros, ce que symbolise bien les avatars dans  leur pseudonyme d'artistes :

- Fréhel, un nom de lieu
- Piaf, un nom comme presque argotique
- Damia, plus proche du substantif que patronyme.

Le chanter néoréaliste qui est ode au destin, a trouvé le chemin d’un message, d’un récit, d’un dire, d’une voix largement universalisables et cela pourtant, pour une bien courte durée, si l’on en croit et les ruptures de ton musical et les ruptures de sens portées par la voix des chansons d’abord dans l’effervescence jeuniste des années soixante puis dans les diktats actuels des professionnels de la profession fébrilement occupés de mise aux normes sur le modèle anglo-saxon.


Ce message et ce dire néoréaliste vont déjà aux rythmes des modifications techniques de l’époque - passer à une forme plus confidentielle - privatisée de l'écoute ... Le poste de la T.S.F. entre dans les foyers, c'est désormais pour soi seule que la chanteuse chante. L'allégorie n'est pas loin de l'apparition de l'idole. Edith Piaf le deviendra, plus curieusement elle le reste encore, mais ceci est une autre histoire …



______________________________________

[1] La première version de ce texte, issue d’une communication lors de la manifestation nantaise intitulée Texte à chanter, date de 1997.
[2] In Anthologie de la Chanson Française, CD La condition féminine, EPM, 1996
[3] Jacques Bertin, Miserere in CD No surrender… une sorte de bataille, disques Velen, 2005
[4] Jacques Bertin, ibidem
[5] Dans sa communication au colloque sur La chanson réaliste organisé à l’université de Nantes, dans le cadre du LESTAMP (Octobre 1997)
[6] Jacques Bertin, Forteresse, op. cit.
[7] Jacques Bertin, Forteresse, in CD No surrender, Op. cit.
______________________________________________

 


Joëlle DENIOT
Professeur de Sociologie à l'Université de Nantes,
membre nommée du CNU.
Droits de reproduction et de diffusion réservés ©

 

 
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