Chanson française ÉDITH PIAF : la voix, le geste, l'icône par Joëlle Deniot
 



Á Édith Piaf,
Topiques commémoratives et analyses d’une tradition[1]
 
 
[…] « Sais-tu comment font les artistes
Pour ne pas rendre la mort plus triste
Qu'un "au revoir" au bord d'un quai ?
Suffit que l'amour ait un hymne
Des millions d'amants anonymes
 Viennent y planter leur bouquet » […]
     
Allain Leprest, Edith, 1986 
 
 
Á Édith Piaf, Topiques commémoratives et analyses d’une tradition des chansons francaises.
 
A visitor looks at a picture of the french singer Edith Piaf displayed during the 'PIAF' exhibition at (BNF, French national library) on April 13, 2015 in Paris, France.
 
 
Édith Piaf avec son ami Jean Cocteau parlait souvent de la mort. Lors de son dernier entretien télévisé avec Pierre Desgraupes, elle affirmait simplement, sereinement que cette issue fatale ne l’effrayait pas, sans même se référer à sa croyance chrétienne qui peut-être la délivrait d’une conscience du néant. Il existe pour les poètes de grands textes commémoratifs, inscrits dans la culture, destinés à les mettre à l’abri du siècle, de la mauvaise réputation qui parfois leur fit ombrage. Au-delà du genre littéraire, il s’agit dans la trajectoire du poète de retrancher toute contingence, toute péripétie susceptible de nuire au sens le plus pur de son verbe poétique. On connaît dans les Poésies[2] de Mallarmé, cette veine de l’oraison, de l’ode ultime nommés Tombeaux ou Toast funèbre. Ils furent dédiés à Edgar Poe, à Charles Baudelaire, à Paul Verlaine et Théophile Gautier.  Ce n’est pas dans  la ligne de cette commémoration silencieuse, de cette écriture ciselée et protectrice des sonnets, dont Yves Bonnefoy[3] reprendra le flambeau dans ces poèmes intitulés Une pierre que va se déployer l’interminable deuil de la chanteuse. Bien au contraire. Et pourtant, les vers du « Tombeau d’Edgar Poe » qui nous disent :
 
« Tel qu'en Lui-même enfin l'éternité le change,
Le Poète suscite avec un glaive nu
Son siècle épouvanté de n'avoir pas connu
Que la mort triomphait dans cette voix étrange ! »
 
ne pourraient-ils pas sans lourde modification s’appliquer à la célébration du rayonnement de l’œuvre d’Edith sur les temps futurs ? Car indépendamment des analogies bibliques (hasardeuses au regard de l’athéisme virulent de l’auteur) ou des parallèles platoniciens plus plausibles dont les commentateurs  accréditent ce premier quatrain mallarméen, il reste que même si Piaf éveilla bien la foule de son temps qui sut l’acclamer, ce public  ne pouvait présager de son cheminement mythologique, de son avènement en figure archétypale de la chanteuse, en cet absolu de la puissance populaire des chansons que seule la borne de la mort pouvait lui conférer. Et l’on peut aisément décliner au féminin cette inscription, ce murmure :
 
« Telle qu'en Elle-même enfin l'éternité la change,
La Môme suscite avec un glaive nu
Son siècle épouvanté de n'avoir pas connu
Que la mort triomphait dans cette voix étrange ! »
 
En ce qui la concerne que constatons-nous ? Des chansons rendent hommage à sa personne. L’imaginaire qu’elle éveille inspire tous les arts (films, théâtres, récitals, mais aussi gravures, bandes dessinées, œuvres plasticiennes). Le rythme des anniversaires de décade en décade renouvelle sur supports discographiques, sur diffusion (DVD) d’archives audio-visuelles l’écho de son iconicité vocale. Elle suscite la sublimation. Elle suscite la parodie. Elle est muse (fille de Mnémosyne[4]). Elle prétexte. Des rues portent son nom. Des écoles. Son effigie s’imprime sur plusieurs séries de timbres collector. Elle a depuis longtemps son musée. L’hôtel de la ville de Paris accueille en 2003 l’exposition de 500 documents iconographiques retraçant parcours et rencontres d’Édith Piaf, la môme de Paris. Le succès est tel que l’événement se prolonge jusqu’à la fin Janvier 2004. La consécration ultime viendra de la BNF qui d’Avril à fin Aout 2015 pour le centième anniversaire de la naissance de « la môme » organise une exposition croisant archives sonores, visuelles, thématiques biographiques, thématiques historiques, artistiques dans une scénographie ambitieuse, élégante, polyphonique, documentée. Tout est mis en œuvre pour ouvrir au rêve et au chant de Piaf publics autochtones et touristes internationaux. Le personnel de la BNF dirigé par un chef de chœur travaille deux chansons d’Édith qui ouvrent le soir de l’avant-première. L’effervescence est là. Marion Cotillard est présente. Piaf occupe un grand hall de l’espace d’exposition de la BNF François-Mitterrand. Elle est dès lors voisine d’exposition de François 1°, pouvoir et image. Le tourisme international sera au rendez-vous, le public parisien moins assidu[5].
 

Á l’opposé du tombeau silencieux de l’éternelle poésie, les remémorations de Piaf sont saturées de traces bruissant et cela sur le temps long. Se pose alors la question d’une cartographie commémorative, pour quels types de rappels ? Quels types d’écoutes ? Et finalement peut-être quel type d’oublis ?  En effet cette exemplarité nous place face à l’étrange, à l’hypothétique maintien d’une tradition de la chanson populaire qui opèrerait sur fond d’effacement culturel -si ce n’est programmé- du moins économiquement et politiquement actif de la chanson française. Quel serait donc le sens d’un tel paradoxe ?      

 
 
La postérité d’une voix
 
Examinons d’abord les cadres a priori de toute mémoire possible d’une voix. En effet le domaine « du sonore » nous confronte d’entrée à de fortes contradictions, à des réalités ambivalentes. L’audition est le premier de nos sens, celui qui sourd de notre nuit prénatale. Elle est aussi la chance ultime. Le dernier de nos sens susceptibles d’ébranler ˗ en courtes séquences d’éveil ˗ les lourdes amnésies liées notamment au vieillissement cérébral[6].
 
L’ouïe capte les traces mnésiques les plus anciennes de notre organisme ; elle archive rumeurs et murmures préconscients de notre histoire. Mais ce plus enfoui qui renvoie à notre archéologie de vivant renvoie également à une captation des plus instables. Á revers on peut alors affirmer que la mémoire sonore n’existe pas[7] : aussitôt percuté, le bruit s’efface ; aussitôt proférée, la parole ˗ dans sa matérialité et sa réceptivité acoustiques ˗ sort de notre perception. « On oublie le visage et l’on oublie la voix » … chante Léo Ferré[8] et toute notre expérience lui donne raison. Le sonore et dans le sonore, le plus affectif,  la voix ˗qu’elle soit bien vive ou déjà éteinte˗ se tient toujours aux frontières de l’exil ou de la perte. Car la voix, ce temps antérieur, ce temps instantané mène aussi au plus brûlant, au plus incisif émoi du temps retrouvé : celui des passions, celui de l’enfance, celui des saillances de l’être.
 
Il faut toutefois dissocier, dans le mouvement des images acoustiques, les voix éloignées des voix siennes. Ces dernières sont incorporées à notre souffle ; elles s’accordent à des bribes d’échos maternels ou maternant, à des entailles d’accents ancestraux venus peupler le grenier de l’âme. Ici se dessine une mosaïque de voix gardiennes, messagères d’un jadis intime. Ce sont les fantômes de notre silence dont la facture spéculaire et psychique ne relève ni du même énoncé, ni du même parcours auditif et sémantique. Nous parlons là des voix éloignées, des voix de l’Autre … comme Léo Ferré à quelques réserves près ! Et si dans l’écoute  sensorielle, ces voix frappent et s’évanouissent, comment se fait-il qu’une voix ˗ qu’elle soit spasme, cri, zébrure de l’air, vibration de l’onde ou objet musical du monde- puisse échapper à l’oubli, voire même entrer dans l’histoire, devenir figure emblématique d’un pays et participer en conséquence à l’odyssée des réminiscences à visée contemporaine ?
 
Bien que notre structure cognitive, que notre modelage perceptif soient plus aptes à discriminer, à nommer les phénomènes visuels que les phénomènes auditifs, il est cependant certains registres vocaux que nos « montages culturels, civilisationnels[9] » ont puissamment investis. Ce sont les voix tribuniciennes, les voix du théâtre, les voix du chant qui s’inscrivent dans une sorte de continuum des vocalités, des éloquences arrachées à la ponctuation, aux modulations, à la respiration régulant l’oralité commune des échanges interpersonnels des plus familiers aux plus dissymétriques.
 
Restant dans le contexte français pluri-générationnel, constatons que nous gardons aisément en mémoire la solennité des graves du phrasé gaullien, les césures métalliques d’un Sartre, les sinuosités acides d’un Charles Dullin, le grondement viscéral et sophistiqué d’un Alain Cuny, le rythme d’élocution d’un Jouvet. Il en va de même pour les signatures vocales d’un Michaël Lonsdale[10], d’une Delphine Seyrig, d’un Gérard Philippe, d’une Maria Casarès, d’un Philippe Noiret, d’un Gérard Depardieu … sans oublier parmi ces personnages de tribune ou de théâtre, la voix de Fanny Ardant que chante Vincent Delerme[11] pour un premier succès désormais appris, repris dans les écoles.
 
Il faut pour entendre- retenir- le toucher d’une voix, un dispositif (technique sans doute) mais aussi « liturgique[12]» ou coutumier à fondement didactique, politique, esthétique susceptible d’en contenir et d’en projeter la métaphonie : c’est l’agora, le temple de Dionysos, les Odéons Antiques, les odéons modernes, les parvis, les rues, le cabaret, le music-hall … autant d’interstices, de passerelles, de paysages ou d’écrins scéniques pouvant diriger l’attention de l’assemblée (spectateurs, disciples, badauds, amateurs) sur ce surgissement, cette énergie vulnérable, ce risque de la voix humaine exposée. Subitement seule. Subitement proie. Subitement pouvoir d’emprise. Mais il est un pas géant de la voix des masques du théâtre antique à la voix-sujet de l’interprète, comédien ou chanteur, dont le profil s’impose depuis la fin du second empire. Ce dernier doit alors dans ces espaces-rites, face au corps collectif, exister comme voix différentielle ; celle dont le grain, le timbre, la texture, s’avèrent si singuliers qu’ils peuvent d’emblée par leurs qualités propres, instaurer une cosmogonie et accorder la salle à leurs pulsations. 
Et c’est ainsi que la greffe de la voix de Piaf s’implante dans la mémoire des témoins, qui se relayent de loin en loin ; ils usent pour la décrire d’une tonalité lexicale préformant si ce n’est un mode d’écoute du moins un registre sensitif d’accueil de son talent. Bien qu’il soit plutôt récent le texte d’Henry-Jean Servat est à ce titre exemplaire : « Tout était petit. Tout petit. Et la silhouette sombre. Et la peau pâle. Et le teint d’opaline. Et les frisettes désordonnées sur le sommet du crâne. Et c’était tout. Rien d’autre. Rien de rien. Elle n’en faisait pas des tonnes d’ailleurs. Elle se tenait seule sur les planches. A l’avant-scène. Figée. Dans le simple halo d’un seul projecteur. Elle chantait, ce qui n’était rien mais surtout, c’était tout. Quand elle ouvrait la bouche, dès qu’elle entonnait les premières paroles, un monde entier surgissait. Son univers s’installait. A sa traîne, au long de ses chansons montraient le bout du nez des petites gens de la rue naguère, les pauvres, les abandonnés, les laissés en chemin […] [13]».
 
Et ce choix discursif ˗pareil à un croquis à main levée˗ s’efforçant de rapidement saisir le simple élan d’une forte émotion est d’autant plus important, d’autant plus prescriptif que le verbe peine à saisir la voix et que ce retrait du logos constitue un obstacle majeur à la mémoire du vocal. Toutefois nous savons que le chant de Piaf entra de son vivant dans le poème de Cocteau. Ce qui sans passage académique par l’ode funèbre permit à cette voix d’être a minima  perçue aux marges de l’institution littéraire. « Edith Piaf a cette beauté de l’ombre qui s’exprime à la lumière, chaque fois qu’elle chante, on dirait qu’elle arrache son âme pour la dernière fois » : tels sont les mots d’exergue qu’avance Jean Cocteau[14] dans sa préface à l’autobiographie que signe Édith, cinq ans avant sa mort[15].
 
 
Elle chantait, elle chante, elle chantera
 
Il était une voix … dont  les nombreuses archives sont susceptibles de nous en donner, outre la réminiscence, l’approche historique. Mais l’histoire des voix chantées ˗ en particulier en leurs registres populaires ˗ évite toujours l’essentiel ; empirique et prudente, elle obère le substantiel. Soucieuse de l’odyssée des techniques d’enregistrement, des vecteurs d’édition, des supports de diffusion, voire de l’aventure des répertoires, la discipline historique ˗ pour autant qu’elle prenne la collecte du chanter pour objet˗  s’inquiète peu des imaginaires, des filiations, de l’alètheia (ἀλήθεια), née de l’onde même des sonorités, des placements et modelés interprétatifs. Il est vrai que l’on se situe alors à un point de rencontre entre phénoménologie, herméneutique et histoire qui est académiquement difficile à négocier.
 
On se demanderait presque  si Piaf a bien passé la rampe de cette résistance «  naturelle » à l’écoute et cela même si la consistance aurale de son chant semble bien avoir élue demeure dans notre gorge, dans notre tympan.  En effet, si l’on considère l’expérience mnémonique sous le seul angle de la représentation de l’absent, n’est-ce pas le reflet graphique, littéraire, figurale de Piaf qui semble l’emporter sur sa voix ? Dramatique de son visage, roman de sa vie, écritures filmiques, duplication réitérée des mêmes scènes de concerts, documents photographiques, portraits, critiques de presse, verve iconoclaste, prose iconodoule, séquences télévisuelles : autant de strates d’images, d’imageries, de traces visuelles qui peut-être accompagnent, prolongent, aiguisent, brouillent ou occultent l’épure du geste vocal. On ne saurait le décider. D’ailleurs le chant ne nous plonge-t-il pas dans une réminiscence kinesthésique qui se refuse à l’analytique des impressions ?
 
Il est une voix … saturée d’un kaléidoscope d’aperceptions ; une voix  comprise, filtrée, sidérée, appréhendée par « l’œil de l’oreille », par « le regard de l’écoute [16]». Toutefois la chanson de Piaf ne saurait sans doute être pensée sous le seul angle de ce rappel de l’absent. Ne fait-elle pas partie de ces artistes fondant et épousant à la fois, le mouvement d’une tradition au sens où Thomas S. Eliot définit celle-ci ?
 
« Ce sens de l’éternité et du temporel ensemble est ce qui rend un écrivain traditionnel […] Aucun poète, aucun artiste en aucun art, n’a de sens par lui-même. Sa signification, son appréciation est l’appréciation de sa relation aux poètes et aux artistes morts. […] La nécessité de devoir se conformer, de devoir être en cohérence, n’est pas à sens unique ; ce qui se passe lorsqu’une nouvelle œuvre d’art est créée est quelque chose qui arrive en même temps à toutes les autres œuvres d’art qui l’ont précédée. ».
 
Tel est en effet le principe de contemporanéité des œuvres que défend Eliot[17] mettant en lumière le principe qu’il n’existe pas de « progrès » en art et que nulle mutation inévitable des signifiants littéraires, picturaux « ne peut périmer ni Shakespeare, ni Homère, ni les tracés des dessins magdaléniens ». Toute œuvre ne teste sa valeur « qu’au milieu des morts[18] ». L’artiste est en cela soumis aux exigences d’une double conformité ; conformité à l’impératif créatif d’un écart suscitant métamorphose, épiphanie symboliques et conformité à l’impératif de composition dans le droit fil d’une filiation ancestrale du sens. Pas de conflits des anciens et des modernes[19]. Mais l’idée holiste d’un ordre de l’art où le passé est ˗ à l’occasion rare de chaque œuvre véritable ˗ remanié par le présent de même que le présent ˗ de toute forme neuve - est lui-même orienté par le passé. Aussi tout avènement artistique est-il toujours traditionnel, autrement dit à portée de référence classique.
 
Comme le philosophe stoïcien est celui qui sait que la mort la plus tangible, la plus immense ˗celle qu’il faut se concilier˗ se tient bien davantage derrière soi et non devant soi[20], l’artiste est celui qui prend conscience de sa place dans le temps, anticipant par là même ˗ non sans crainte, ni tremblement, ni erreur ˗ sa possible postérité.  Ce qui vaut pour les beaux-arts, vaut-il pour la chanson de Piaf ? Piaf entre-t-elle dans cette structure d’ordre du temps qu’est la tradition ? Le chant de Piaf produit-il une réorganisation des perceptions du temps des chansons ? Sa scène a-t-elle une fonction de temporalisation de la voix populaire chantée ? Des réponses à ces questions dépendent d’éventuels renouvellements de son écoute, des styles et modes d’intelligibilité de sa mémoire passant outre sa stricte remémoration rituelle pour nouer avec des mises en perspectives critiques tant historique qu’esthétique de son œuvre.  Des réponses à ces questions, il sera une voix … échappant aux risques d’embaumement lié à sa patrimonialisation, Car l’appel à la « beauté du mort » guette toujours l’icône instituée d’un âge d’or des mélodies et des voix populaires ; et cette tentation est d’autant plus facile à réactiver qu’actuellement nous traversons une ère de déclin de la chanson française.
 
Le chant de Piaf est assurément un marqueur d’histoire dans l’art des chansons. C’est tout son paysage vocal, interprétatif, narratif que la môme remanie. Elle « déchire », si j’ose dire. Son apparition va fasciner, foudroyer parfois … comme le souligne Paul Jorion[21] évoquant son souvenir d’enfant recroquevillé dans son fauteuil au moment où Piaf entonne en puissance le refrain de Bravo pour le Clown[22]. Des témoins de son face à face scénique[23], on retient le récit d’’impressions mêlées d’enthousiasme et de stupeur ; on retient l’idée ambivalente d’un ravissement tourmenté, frappé par l’irruption de la beauté terrible, par l’empreinte d’un effroi sublime qui peut bouleverser … qui peut insupporter. Elle enchante mais ne rassure pas. Toute entreprise de réduction de son personnage à un mythe ˗ au sens rationaliste étroit de l’illusion entretenue ˗ oublie de considérer l’interprète du point de vue de son œuvre[24]. Il y a bien un avant et un après Piaf qui réinterroge la filiation des chanteuses réalistes, qui oriente tout le devenir des chanteuses en noir, qui porte loin ˗ sur les scènes du monde ˗ le souffle et l’âme d’un sujet féminin tragique, déjà actif dans la partition lyrique[25] mais vivant désormais et pour longtemps dans la musique populaire de langue française[26].
 
En Octobre 2013, plusieurs Une de la presse écrite titrent : « Cinquante ans après sa mort, Piaf reste LA voix française ». S’attachent-ils pour autant à la singularité irréductible de cet art-drapeau ? Cela semble peu probable si l’on poursuit la lecture : « ˝Avec La mer˝ de Charles Trenet, ˝Comme d'habitude˝ de Claude François et ˝Les feuilles mortes˝ d'Yves Montand, le titre le plus célèbre de Piaf ˝La vie en rose˝  fait partie du club très restreint des chansons devenues des standards dans le monde entier. Cela concerne tous les pays européens, la Russie, l'Amérique du Nord, le Japon ;ça n'empêche pas que Piaf fait aussi un carton dans les pays d'Amérique du Sud ou en Afrique.» C’est le directeur de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de musique, chargée en France de la gestion des droits qui s’exprime.
 
Balayés les amours de la chanson, de la culture, de la Nation, elle n’est La voix française qu’en froide raison de son maintien sur le marché musical ; et que depuis plus de 20 ans, « sa chanson- fétiche figure sans discontinuer parmi les 10 chansons françaises qui génèrent le plus de droits d'auteurs à l'international, au côté des tubes du moment créés par Daft Punk ou David Guetta. » . Toutefois le contentement de la SACEM n’est pas le seul principe organisateur de l’inscription durable de l’art d’Édith Piaf.
 
Il n’est pas opportun de s’attarder, ici, sur les diverses manières don Piaf décale la perception des chanteuses réalistes qui la précèdent, tout en se tenant au plis près des schèmes imaginaires vigoureux (la ville, la rue, le port, la mort, la prostitution, l’errance) d’un répertoire qui naît avec Pierre-Jean Béranger[27], se réaffirme avec Jules Jouy, Gaston Couté, Aristide Bruant, passe par la ferveur des interprètes féminines de l’entre-deux-guerres, pour se décliner à nouveau, en des formes littéraires plus distanciées sous la plume de Pierre Mac Orlan et même celle du jeune Léo Ferré. Sens archaïque du destin, description brutale des marges, modernité[28] d’une poétique nocturne : ce tissé d’appels cruels/ compassionnels constitue la toile de fond marquante d’une veine chansonnière féconde, touchant la plus large audience et cela sur près d’un siècle et demi. C’est un des plus longs lignages socio-esthétiques dont hérite la chanson française ; difficile  à envisager indépendamment des retombées d’une telle inspiration.
 
Piaf ne cesse elle-même d’insister sur ce qu’elle doit à ses devancières : à Fréhel, à Damia, Berthe Sylva, Nitta- jô et tout particulièrement à Marie Dubas. En quelques traits nous dirions :
 
- Qu’elle reprend la focale du halo lumineux de Damia, mais introduit un autre dispositif scénique en intégrant les musiciens au plateau.
   
- Qu’elle prend modèle sur la gestuelle de Marie Dubas, mais donne une autre dimension à sa propre gestualité devenue le véritable sous-texte de la performance chantée.
   
- Qu’elle se tient dans les mêmes zones de narration « réalistes » mais insiste sur la passion, l’hymne à l’amour, à l’amour de l’amour, faisant bientôt d’Eros le seul héros d’un « réalisme » enchanté, d’un « réalisme » maudit.
   
- Qu’elle se maintient dans la même esthétique d’identification aux protagonistes et aux sentiments captés par la composition musicale. L’intention interprétative suit donc une visée cathartique similaire mais l’intonation en est subvertie. Moins de glissando. Quasi suppression du « r » roulé que dicte l’accentuation d’époque. Un phrasé plus découpé allié à un embrasement vocal vertigineux. Ces glissements stylistiques suffisent à profiler une autre dramaturgie du chanter
   
- Qu’elle seule s’avance en pionnière d’un verbe, en sujet féminin de la parole chantée, en figure auctoriale. En effet de toutes les réalistes et assimilées[29] des années vingt aux années soixante (y compris la sulfureuse Suzy Solidor, interprète d’une volupté lesbien appuyée) il n’y a que Piaf qui ose s’aventurer dans l’écriture des chansons. Un topos apparaît désormais s’être installé : à savoir que le succès de ces femmes est lié à cette présence intime de leur vie dans leur chant. Certes une grande part de leur aura, de leur poétique relève de cette mise en miroir. Toutefois nuances et médiations s’imposent. Si, dans leur cas, personne et persona scénique, répertoire et biographie se frôlent, ils ne fusionnent pas.  Et surtout on semble toujours dans cette assertion passer sous silence le fait que tous les auteurs de leurs chants sont des hommes. Que « ces réalistes » chantent l’amour qui naît, celui qui bat, celui qui part, qu’elles chantent le plaisir, les larmes, les guinguettes, le temps du musette, « Le cafard[30] », « La coco[31] », la séduction, « Les fortifs [32]», Paris, Montmartre, le trottoir, « L’angélus de la mer[33] » ou «  Les nocturnes [34]»  … tous ces mots passent par le filtre sensible et l’éloquence d’un imaginaire sexué. Dans la chanson réaliste, les paroles sont masculines, les voix féminines. Cette distribution coutumière du matériau langagier ne pose-t-elle pas - question ? N’est-ce pas paradoxal d’affirmer que le chant de ces interprètes est chant de leur vie alors la maîtrise directe de tel dire leur fait défaut ?

Curieusement Piaf, celle dont l’instruction scolaire est la plus brève, celle qui ne passe par aucun apprentissage solfégique va esquisser quelque pas vers le statut d’auteur / compositeur/ interprète… cette forme- cabaret, cette forme neuve du chanteur des années soixante. Elle met des mots simples et d’une indépendance scandaleuse, elle compose d’oreille, elle crée « La vie en rose » … et plus de quarante titres le plus souvent destinés à d’autres interprètes. Elle est donc, elle,  dont on va consacrer la voix inouïe, la première à prendre la chanson aux mots[35].
 
Piaf est contemporaine de ses devancières, elle est contemporaine de toute une famille de dames en noir qui prospéreront dans son sillage. Éclat incisif de paroles vibrantes, précision de la diction, efficacité mélodique, dépouillement des harmonies et sémantique vocale audacieuse, déliée, élargie : longtemps l’odyssée des interprètes féminines de la vie couleur de nuit (Barbara, Gribouille, C. Sauvage, M. Morelli, C. Ribeiro, Sapho[36] …) va ˗ ajustée à d’autres niveaux de langue et à d’autres émois vocaux˗ suivre cette ligne artistique. Archétypale, Piaf fonde une esthétique présente de l’œuvre chantée qui remanie le passé. Archétypale, Piaf intègre le passé interprétatif à sa création. Elle est dans cette intuition, compréhension du « sens de l’histoire » de l’artiste, ici l’artiste-interprète, qui dérange la conformité à un ordre du chant et le recrée en produisant une œuvre traditionnelle, c'est-à-dire rattachée à la dynamique durable, à la synthèse classique des performances et des formes.
 
Le bougé introduit par Piaf est aisément palpable si l’on se réfère au prolongement actuel de la référence réaliste dans la chanson. En modifiant la diction, la gestuelle de ce répertoire, Piaf a historicisé le phrasé d’une Andrée Turcy, d’une Yvonne George, d’une Nitta-Jô, d’une Berthe Sylva, d’une Damia, d’une Fréhel … Leurs tissures vocales  n’en sont pas moins belles, moins percutantes, moins captivantes pour autant mais l’avènement de Piaf les a fait basculer du côté des voix d’un Jadis. Elles en sortent auréolées d’une mélancolie plus cruelle et plus grande encore. Ou bien devenues si lointaines, si obsolètes, leur charme n’est tristement plus audible. Toutefois hors circuit commercial bruyant nous constatons que mélodies et paroles de ce répertoire sont l’objet de nombreuses reprises. Un autre accompagnement musical, une autre intonation[37] et la chanson renaît avec bonheur, une fois séparée de sa déclamation trop datée. Le répertoire des premières réalistes est donc replacé dans la tradition de la chanson française. Tout se passe comme si ces chansons étaient partiellement autonomes de leur voix originale[38]. Ce détachement serait aussi l’un des vecteurs de leur écoute renouvelée. La transmission passe par la retraduction.
 
Rien de tel pour Piaf. Bien au contraire. Même si ses plus célèbres chansons furent maintes fois reprise, réorchestrées avec soin[39], avec invention[40] … aucune transposition ne put supplanter l’écho créateur. Tout se passe cette fois comme si ses chansons n’étaient finalement pas détachables de la voix originale.  Elle a fabriqué du temps, de l’histoire dans la chanson et nul ˗ malgré les métamorphoses stylistiques de la chanson et de ses entours musicaux˗ ne parvient à l’historiciser, à la faire basculer dans le Jadis. Cocteau tente de contenir cette énigme dans un lyrisme d’ample visée : « […] La vague chaude nous submerge […] Édith piaf comme le rossignol invisible, installé sur sa branche, va devenir elle-même invisible. Il ne restera plus d’elle que son regard, ses mains pâles, ce front de cire qui accroche la lumière et cette voix qui gonfle, qui monte, qui monte, qui  peu à peu se substitue à elle, et qui grandissant comme son ombre sur un mur, remplacera glorieusement cette petite fille timide […] De cette minute…elle se dépasse.  Elle dépasse ses chansons, elle en dépasse la musique et les paroles. Elle nous dépasse […] Ce n’est plus Madame Édith Piaf qui chante : c’est la pluie qui tombe, c’est le vent qui souffle, c’est le clair de lune qui met sa nappe. La ˝bouche d’ombre˝. Le terme semble avoir été inventé pour cette bouche oraculeuse.[41] » Cet embrasement de l’image peut sembler outrancière, relever du pur ornement rhétorique. Mais le poète est souvent voyant. Car si l’on examine la vague d’échos qui ˗ d’hommages en invocations, en tentatives de réincarnations˗ entoure la figure de Piaf, cette idée de son échappée dans le cosmos serait plutôt du côté du présage.
 
Ce que nous venons de souligner c’est que si l’on retient la voix de Piaf ˗malgré l’inattention de notre perception auditive˗ c’est qu’elle incarne un bouleversement dans la vie des chansons qui nous permet de l’entendre en comparaison de ce qui est, fut, sera … cependant l’empire et l’emprise de sa trace se déploient sous bien d’autres modalités et bien au-delà … Si la vocalité de Piaf résonne en nous malgré les paresses ou limites de notre mémoire sonore, c’est que nous sommes nombreux à connaître au moins quelques bribes de couplets, des débuts de refrains, sur des titres comme Padam-Padam, La foule, L’accordéoniste, Milord, Les amants d’un jour  … C’est bien cette enveloppe des paroles qui protège, rend accessible, intérieurement audible le tact de sa voix ; même si comme l’écrit Cocteau ˗se plaçant sur un autre plan˗ son chant dépasse ses chansons. C’est là tout l’intervalle entre la transmission de son héritage dans la culture française et toutes les réactivations instituées ou anecdotiques autour de sa mémoire posthume, qui concerne bien plus souvent l’héroïne captive d’un roman biographique que ses chansons. Car il existe effectivement toute une arborescence de la trace-Piaf, objet d’amour et objet de haine. Essayons de repérer quelques topiques récurrentes dans cette arborescence.
 
 
Quoi ? — L'Éternité[42]
 
Je ne dirai pas comme le suggère mon collègue David Looseley[43] que tout commence avec l’hagiographie que Marcel Blistène publie quelques jours après la mort d’Édith[44], configurant ainsi son destin d’immortelle. Non que ce témoignage soit le seul écrit superlatif sur la chanteuse mais David Looseley y voit le germe séminal d’un processus ininterrompu de réactivation de l’aura de l’interprète. Il existe certes bien des dispositifs matériels, des temporalités, un travail symbolique qui encadrent sa mémoire intime, sa mémoire instituée. Reste la question essentielle : sous la mécanique de l’icônisation, y-a-il ou non une icône ? Toute tentative de réponse allant en l’un ou l’autre sens engage des problématiques toute différentes. Pour tracer quelques traits anthropologiques de ce trajet posthume, j’irai par quatre chemins : l’épreuve des Tombeaux, le mystère  de l’incarnation, la réification patrimoniale, le vif saisissant le mort.
 
L’épreuve des tombeaux
 
Nous parlions en introduction du genre littéraire de l’ode funèbre consacrant les poètes. Trois puis cinq chanteurs-poètes composèrent pour Piaf trois puis cinq Tombeaux. Léo Ferré d’abord écrit, interprète en 1967 A une chanteuse morte. La chanson sera interdite pour raison d’insulte à l’impresario Johnny Stark[45]. Coïncidence troublante : 1967 est l’année du centenaire de la mort de Baudelaire auquel Ferré consacre un double-album. Un procès perdu, le Tombeau de Piaf, l’hymne renouvelé à Baudelaire… les dieux joueraient-ils aux dés ?
 
« T'avais un nom d'oiseau et tu chantais comme cent
Comme cent dix mille oiseaux qu'auraient la gorge en sang […]

T'avais un nom d'oiseau et la voix d'Attila
On t'entendait d'ici, on t'écoutait d' là-bas […]

Et y avait dans tes mains comme une bénédiction […]

On t'a pas remplacée bien qu'on ait mis l' paquet
Le pognon et ton ombre, ils peuvent pas s'expliquer
Sous les projos miracle et sous la lampe à arc
Quoi que pense et que dise et que fasse monsieur Stark

Arrêtez ! Arrêtez la musique ! »
 
Rares sont les chants des artistes--phares dédicacés à d’autres d’interprètes- phares dont tout les sépare qui plus est. Cet hymne à Piaf dont Ferré fera un succès est certes parcouru de métaphores vives désignant la chanteuse Comme cent dix mille oiseaux qu'auraient la gorge en sang, mais il reste ambivalent. Dans cet « Arrêtez ! Arrêtez la musique ! » que Léo chante sur l’air de L’accordéoniste et à la façon d’Édith, on perçoit bien le trait admiratif et puis le sous entendu également. Car ce qui prime dans cette composition  de Ferré n’est-ce pas sa rage envers le projet de Johnny Stark. Cet hymne posthume n’est donc pas un tombeau mallarméen scellant le génie poétique de la chanteuse morte puisqu’il remet, au profit de sa fureur, la silhouette de Piaf dans l’arène. De renommées et de qualités inégales, il en va de même pour les hymnes de Serge Lama (1970) et de Serge Reggiani en 1971 dans son album, La rupture. En effet si Serge Lama qui déclare sa vénération pour Piaf, chante :
 
« Ce que tu fus, moi je m'en fous,
Tu étais Piaf, un point c'est tout,
C'est çà ta gloire,
Et parmi tes souffre-douleurs,
Il y en a qui ont trouvé les leurs,
Tu peux m'en croire,
Edith, faut se faire une raison,
Les gens sont pourris, Jusqu'au fond,
Jusqu'à la moelle,
Aux lueurs de tes feux follets,
Ils viennent encore te voler
Quelques étoiles,
Ils viennent souper sur ta grève,
Habillés comme des corbeaux,
Ils vivent encore sur ton dos,
Au Père Lachaise.

Depuis ta mort dans les journaux,
Régulièrement ta photo
Te ressuscite,
Si tu es morte sans un sou,
Depuis tu en as fait beaucoup,
Beaucoup plus vite.
Nul n'est jamais sûr de son sang,
Mais toi t'es pas gâtée, bon sang !
Par ta frangine.
C'est triste, mais ta demie sœur
N'a même pas la moitié d'un cœur
Dans la poitrine
Elle s'est offert du Louis XVI
A ta santé, ta demie sœur,
J'espère qu'elle te couvre de fleurs,
Au Père Lachaise.

Comme Jeanne d'Arc
Autrefois, tes amis entendent,
Ta voix qui les appelle.
Mieux que la vermine et le temps
Ils rongent ton âme en fouillant
Dans tes poubelles,
Et malgré tous ces chanteurs-là,
Qui ont mis ton cœur tant de fois
Entre deux chaises,
Près de ton boxeur
Pour toujours
Tu files le parfait amour,
Au Père Lachaise,
Au Père Lachaise ».
 
On l’a compris cette composition est en lien direct avec le livre que Simone Berteaut, compagne des jours de galère de la môme vient de publier pour le plus grand plaisir des voyeurs, une légende arrangée, dérangée de l’idole sous le mensonge initial de leur pseudo sororité de sang. C’est encore un hymne pour le combat du moment et non pour la sublimation dans l’absolu. Ce n’est pas un Tombeau, c’est un manifeste. Là où l’on se rend compte que loin d’être un long fleuve tranquille de sanctifications, la mémoire posthume de Piaf est au contraire tiraillée entre des intérêts et des forces très antagonistes.  Sur une Musique Maxime Le Forestier, Serge Reggiani met lui aussi l’accent sur une perte de l’essentiel que trop de médiations viennent dévoyer. Dans la faille du temps, Piaf se retire. Ce n’est pas un tombeau, c’est le songe d’une douce amertume préférant le travail du deuil à la fabrication de faux souvenirs.
 
[…] « Édith, les enfants n'ont de toi
Qu'une image tenue parfois
De myopes intermédiaires...
Et ils ne sauront jamais plus
Ce que c'est que d'avoir perdu
Sa lumière dans ta lumière...
Que de t'avoir donné la main
Ou le cœur un bout de chemin
Que d'avoir effleuré ton rêve...
Ils n'entendront que les échos
Déformés de tous les bancos
De ton existence trop brève...

On est libre étant cabotin
D'améliorer son picotin
Avec des revers de médaille...
Chacun s'arrange à sa façon,
Souviens toi de Reims, de Soissons
Et du cirque à tes funérailles...
On force un peu plus simplement
On vend son papa sa maman
Avec plus ou moins d'aptitudes
On a du monde autour de soi
Ce n'est pas toujours avec joie
Que l'on manque de rectitude.

Heureux sont ceux qui ont brillé
Édith, dans ton rêve éveillé
C'est une merveilleuse histoire
Lorsque l'on a rien qu'une fois
Eut le droit de poser le bras
Sur la soie de ta robe noire...
Tu n'as pas connu Gémini
Ni les minets ni le mini-
Jupes ou cerveaux qu'on nous débite
Mais tu chantes sur mon phono
Par hasard un disque en mono...
La chanson est de Marguerite »
 
Cependant la voix de rocaille d’Allain Leprest, les mots très ponctués de Claude Nougaro vont eux offrir à Piaf deux chants pour y reposer à l’écart des joutes autour de sa réappropriation symbolique. Nougaro en 1977 dans son album « Plume d’Ange » compose « Comme une piaf » qui proclame :
 
[…] « Avec dans ma voix un seul mot
Comme un bec fleuri de rameaux,  
J'voudrais vous guérir de vos maux.
[…] J'voudrais fouler comme un raisin
Vos cœurs
Qu'en ruisselle un joli vin
Divin
A faire chanter vos lendemains
Jusqu'au matin au moins
Alors j'pourrais tirer l'rideau
Sans honte vous tourner le dos
J'vous aurais tous eus dans la peau
Sans chagrin J'irais prendre le repos
Des saints J'irais rejoindre ton satin
N'est-ce pas Piaf enfin ».
 
Sans doute Nougaro, amateur de Jazz est-il également lié à Piaf par Louis Armstrong qui délocalisa en mode swing « la vie en rose ». En 1985, Nougaro persiste et signe dans son ode à Piaf en créant une remarquable version de L’Accordéoniste. En 1986 Allain Leprest construit pour Piaf  l’équivalent de ce que Mallarmé bâtit pour Edgar Poe :
 
« Son  Calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur
Que ce granit du moins montre à jamais sa borne
Aux noirs vols du Blasphème épars dans le futur »
 
Allain Leprest qui chante l'enfance (La Gitane, J'étais un gamin laid, Good bye Gagarine, Nu, etc.), l'amour (Sur les pointes, Arrose les fleurs, Une valse pour rien, On leur dira, etc.) et des solitudes sociales (La Dame du dixième, Je viens vous voir, SDF, etc.) qui chante aussi son ancrage natal  (Rouen, Mont-Saint-Aignan, Y a rien qui s'passe, Saint Max, Martainville, Le Cotentin, Il pleut sur la mer, Le Passous-Cotentin...) garde quelque empreinte des courants du  réalisme poétique. Organisés autour de la narration d'une histoire quotidienne au caractère parfois mélancolique ou nostalgique, ces chants sont sans doute plus proches de l’esprit de Piaf que ne l’était ceux de Ferré. Claude Nougaro dira à son propos : « C'est bien simple, je considère Allain Leprest comme un des plus foudroyants auteurs de chansons que j'ai entendus au ciel de la chanson française. ».
 
C'est tout au fond du Père-Lachaise
Dans la section quatre-vingt-seize
Qu'elle a trouvé son dernier nid
Entre le mur des Fédérés
Couvert de roses et le carré
Maudit de Modigliani


C'est ici son premier repos
Ici que Théo Sarapo
Dort dans la cage de ses ailes
Si la tombe paraît petite
C'est qu'il fallait trop de granit
Pour qu'elle soit à son échelle

Général au buste pompeux
Qui ne t'excuses plus du peu
C'est du marbre sans épitaphe
C'est la plus petite des tombes
C'est celle d'un moineau dont l'ombre
Couche ton grand cou de girafe

Non rien de rien sur les épaules
Elle hante un curieux music-hall
Les feuilles des arbres la bissent
Chrétien, accorde à ton roi
Un jour la permission de croix
Pour que ces deux mains l'applaudissent

Un faisceau de lune lointaine
Un dernier projo sur la scène
Molière l'écoute chanter
Un cimetière, c'est un théâtre
Dans les rangées écoutez battre
Le cœur gros de l'éternité


Sais-tu comment font les artistes
Pour ne pas rendre la mort plus triste
Qu'un "au revoir" au bord d'un quai ?
Suffit que l'amour ait un hymne
Des millions d'amants anonymes
Viennent y planter leur bouquet

C'est tout au fond du Père-Lachaise
Dans la section quatre-vingt-seize
Qu'elle a trouvé son dernier nid
Madame Lamboukas Edith
Dite "Piaf" dans l'ombre maudite
Du peintre Modigliani. »
 
 
Le mystère de l’incarnation
 
Dans les années qui suivent sa mort, le devenir posthume du souvenir de Piaf se poursuivit d’abord en forme de rêve de résurrection. Mireille Mathieu offre apparemment quelque similitude pour combler le vide laissé par l’absente. On note en effet quelques éléments d’homologie structurelle : Fille d'un maçon tailleur de pierres, mais baryton à ses heures perdues, aînée de quatorze enfants, Mireille Mathieu commence à travailler dans une usine d’enveloppes à l’âge de quatorze ans pour aider sa famille.
 
Plus étonnant, ce désir de résurrection perdure. En octobre 2013, Le Figaro consacre un article à quatre jeunes chanteuses « que souvent on compare au Rossignol de Belleville ». Ces nouvelles mômes, ce n’est pas Piaf tout entière réincarnée mais chacune, faute de mieux, en montrerait une facette susceptible de nous mener au rivage d’une pleine réminiscence. Ainsi Zaz par sa gouaille, son esprit rebelle, par son plaisir physique de chanter, participerait de cette aura. Ainsi Olivia Ruiz qui reprit des grands classiques des « réalistes » serait « La Piaf de Carcassonne ». Ainsi Laure Préchac, cette môme gasconne, presque aussi petite qu'Édith Giovanna Gassion par sa reprise de Milord ferait revivre un éclat de Piaf. Ainsi Chimène Badi nommée «Le rossignol de Melun» semblerait, elle, relier à son illustre aînée, par la puissance assurée et grave de son timbre.
 
Le mystère de l’incarnation, c’est aussi l’Eucharistie quand le rêve de résurrection fait rêve de consubstantiation. Nous prendrons ce terme théologique pour évoquer toutes ses interprètes qui tentent de capter non pas seulement une part de la lumière d’Édith en reprenant les standards internationaux de son répertoire mais qui tentent de retirer par cet emprunt un peu de la présence réelle de sa voix. Je pense à Sapho, à Catherine Ribeiro qui enregistre un album intitulé Le bues de Piaf, à Bibi Ferreira, chanteuse brésilienne née en 1922.
 
Et suivre la logique de l’incarnation, c’est aussi en passer par l’adoration des reliques. Il existe tout un éventail de talisman-Piaf dont le musée Piaf est la figure éponyme mais il est loin d’être le seul acteur de ce culte. Il existe tout un lot d’archives plus ou moins évocatrices de l’existence matérielle de Piaf. La ‘fameuse’ robe noire prêtée par le musée trônait au centre de l’exposition BNF de 2015. C’est bien entre le pouvoir du fétiche et le symbole de la relique que ces objets émeuvent ou pas.
 
 
La réification patrimoniale
 
Le rituel des anniversaires amorce une production éditoriale épiant le moindre détail biographique supposé inconnu ou caché. Beaucoup de controverses, de fausses annonces sur d’ultimes révélations. Curieusement tout se passe comme si la traque continuait. La vie, la mort d’Édith deviennent des glaises modelables au gré des idéologies momentanément en vigueur. On la vénère en pionnière d’un donjuanisme féminin. On la désigne en femme soumise. On salue son action durant la seconde guerre mondiale. On dénigre son patriotisme. On la dit belle. On la dit laide. Son destin inspire révérence ou mépris, comme ses amours, comme ses addictions. Femme du peuple faisant œuvre hors du commun, elle honore l’esprit des Lumières, mais elle est un affront inexpugnable à l’ordre des légitimités. On ne sait que faire en notre siècle hautain de sa confiance en sa petite Sainte Thérèse. On fustige son apolitisme. On s’empare de sa vie héroïque, tragique, imparfaite comme d’une chose qui se définit en son acception heideggérienne par son caractère ʺd’ustensileʺ en fonction d’une ʺviséeʺ (Biemel, 1950, p. 55).
 
Certes la patrimonialisation est elle aussi de nature ambivalente. Si le rituel des anniversaires entraîne son lot de biographies plus ou moins inspirées, il déclenche également une effervescence discographique avec enregistrements restaurés des titres connus et moins connus, avec gravures des différentes prises de studio ou de scène d’une même chanson. Sur ce volet, la réification patrimoniale signifie donc mise à disposition publique d’une approche « encyclopédique » de la chanson Piaf. Si elle est toujours chose, elle s’est  muée en signe, en document ; si elle est toujours ce matériau, cet étant sous-la main (Heidegger, 1986, p.115), elle l’est pour d’autres destinations possibles.
 
 
Le vif saisissant le mort
 
Cependant Piaf peut encore s’évader de toutes ces formes de réductions ou de sanctifications muséales, pour redevenir source vive. Le souffle s’échappe de la statue. Car de nouveaux artistes, dans le domaine du chant mais aussi au-delà, puisent auprès d’elle chemin d’inspiration et force créatrice.
 
[…] « Je cherchais des mots
J’ai trouvé les tiens
Et dans tes sanglots
J’ai caché les miens […]

Je revenais de loin
Je revenais de tout […]

J’ignorais alors que quelques couplets
Ça valait de l’or, ça pouvait sauver […]

[…] Je ne t’ai jamais ni vu, ni connu
Mais je me permets de te dire tu
Ah si tu savais qu’au fil de mes nuits
Tu restes pour moi la voix de ma vie »

(F. Zeitoun, F. Lai, 2015)
 
Théâtre de Dix Heures, 28 Mai 2017. La salle est si petite, la scène si proche. Une cinquantaine de personnes l’emplit. Nathalie Lermitte, silhouette mince, voix claire, nuancée, puissante déroule son spectacle et chante la composition originale de Francis Lai « La voix de ma vie » : c’est tout le sens de son art dédié ou plutôt offert ˗ au-delà du public ˗ à son idéal. Dans un enchaînement fluide mêlant jeu dramatique et récital, Nathalie réinvente Édith, Nathalie Lermitte réinvente Piaf. Elle sollicite l’auditoire qui entonne « La vie en rose » et le refrain de « Padam- Padam ». Elle évoque gestes, blessures, chagrins et blagues d’Édith, son désir de voir en chaque note résonner la vie. Un enveloppement émotif palpable atteint son acmé quand Nathalie interprète l’hymne à l’amour, chantant un instant, au seuil des larmes. Et l’on se surprend à ne pouvoir imaginer ce qui se trame entre cette jeune femme blonde, dynamique, espiègle et sa muse-miroir dont, sans jamais l’imiter, elle parvient subtilement, doucement à nous faire partager la légende, l’âme et l’esprit.  Temps bref, temps suspendu d’une saisissante filiation, d’une immortelle évocation. Une heure et demie plus loin, on se retrouve en pleine chaleur sur le boulevard parisien se demandant si l’on n’a pas rêvé et surtout comment une telle poétique aimante, authentique du grand chant populaire peut encore palpiter dans les rumeurs discrètes de ce présent à la poésie abolie.
 
Et pourtant nous retrouvons Piaf, l’inspiratrice, au cœur de nouvelles formes artistiques comme celles de la plasticienne Véronique Dominici séjournant dans la ville d’Avignon. Véronique ne chante pas Édith mais elle sculpte ses chansons. C’est une obsession ancienne que celle de parvenir à peindre la musique. Á partir de matériaux mixtes d’argile cuite et de tissus voilà que surgissent de surprenantes figurines déclinées comme ʺÁ la manière deʺ. Dans un tressage énigmatique d’associations, ces recréations mi-abstraites, mi-réalistes du répertoire nous mettent face à un imaginaire de transfiguration, face à la collection de tout un petit peuple de Piaf toujours même et toujours autre au gré de ses mélodies nourries de silencieux souvenirs. Sur les gammes combinées de l’allégorie, du symbole, de la métaphore visuelles, Véronique nous conduit vers une autre imagination de l’écoute : Á la manière « Des amants d’un jour », Á la manière de « La vie en rose », de « Bravo pour la Clown »,  Á la manière de «Tiens V'la un marin ».
 
Selon Joëlle Deniot Edith Piaf est l’inspiratrice, au cœur de nouvelles formes artistiques des chansons françaises comme celles de la plasticienne Véronique Dominici séjournant dans la ville d’Avignon. Véronique ne chante pas Édith Piaf mais elle sculpte ses chansons francaises. C’est une obsession ancienne que celle de parvenir à peindre la musique. Á partir de matériaux mixtes d’argile cuite et de tissus voilà que surgissent de surprenantes figurines déclinées comme ʺÁ la manière deʺ. Dans un tressage énigmatique d’associations, ces recréations mi-abstraites, mi-réalistes du répertoire nous mettent face à un imaginaire de transfiguration, face à la collection de tout un petit peuple d'Edith Piaf toujours même et toujours autre au gré de ses mélodies nourries de silencieux souvenirs.
Véronique Dominici»,  Á la manière de «Tiens V'la un marin ».
 
 
 
 
 
 
 
NOTES
 [1] Version longue de l’article publié in Traces et mémoires, dir. Gille Ferréol, EME éditions, Louvain- la- neuve
 [2] MALLARMÉ, Stéphane, Poésies, Gallimard, 1992, 1° édition, 1899.
 [3] BONNEFOY, Yves, Pierre écrite, Mercure de France 2001. 
 [4]   En grec ancien Μνημοσύνη / Mnêmosúnê est une Titanide, fille d'Ouranos (le Ciel) et de Gaïa (la Terre) ; elle est la déesse de la Mémoire qui engendra les Muses. Elle aurait inventé les mots et le langage.
 [5] Propos recueillis en Juin 2015 auprès d’un des organisateurs.
 [6] Les spécialistes des neurosciences multiplient les expériences de remémorations de comptines, de chansons, de toute vocalité musicale auprès des  personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et même auprès de patients plongés patients plongés dans une altération durable de la conscience, de type coma.
 [7] DESHAYS, Daniel  Pour une écriture du son,  Klincksieck, 2006.
 [8] Léo Ferré, Avec le temps, 1998.
 [9] Concept de Pierre Legendre.
 [10] Qui parle d’ailleurs dans le rythme très posé, le timbre si généreux de sa voix de Piaf   « comme la petite possédée inoubliable de la voix, de l’amour, de la chanson ».
 [11] Vincent Delerme, Fanny Ardant et moi, opus 2002.
 [12] Pris en son sens premier de cérémonial, de culte offert au peuple.
 [13] SERVAT, Henry-Jean, Édith Piaf, Une vie de légende, de la gloire à la misère, Mandadori , Milan, 2011
 [14] Jean Cocteau donnera aussi une dimension poétique aux voix de Marianne Oswald et de Suzy Solidor.
 [15] PIAF, Édith, Au bal de la chance, Archipel, Paris, 1958, 2003.
 [16] Ce qui ne vaut pour elle seule bien sûr mais qui peut être réservé à tout artiste qui met le geste vocal au centre de son apparition scénique. Or ceci est beaucoup moins vrai dans l’apprentissage actuel des comédiens délaissant la diction ; beaucoup moins vrai pour les chanteurs délaissant la maîtrise de la voix au profit de la part instrumental de leur performance musicale.
 [17] ELIOT, Thomas, Stearns, La tradition et le talent individuel, Essais choisis, trad. H. Fluchère, Le Seuil, 1950 ; rééd. 1999, p. 28-29.
 [18] ELIOT, Thomas, Stearns, op. cit.
 [19] Plutôt un conflit entre recherche d’originalité et authentique nouveauté d’une part . Entre répétition et tradition, d’autre part.
 [20]  SÉNÈQUE, Lettres à Lucilius, trad. F. Préhac, H. Noblot et P. Veyne, Laffont, 1993.
 [21] Blog de Paul Jorion 2008
 [22] Bravo pour le clown, Paroles: Henri Contet, musique: Louiguy, enregistrée en 1953.
 [23] BONINI, Emmanuel, Piaf, La vérité, Pygmalion, Paris, 2008.
 [24] D’abord s’il y a pléthore de biographies la concernant, il ya bien peu d’analyses et ces dernières elles-mêmes se penchent bien davantage sur les formes d’alimentation de la fable de Piaf que sur son répertoire et son travail artistique. Cf. BELLERET, Robert, Piaf, un mythe français, Fayard, Paris, 2013.
 [25] POIZAT, Michel, L'Opéra ou Le Cri de l'ange. Essai sur la jouissance de l'amateur d'opéra, Métailié, Paris, 2001.
 [26] Cette héroïsation d’un féminin tragique populaire va bien sûr trouver dans d’autres traditions culturelles et linguistiques des figures contemporaines et de renommée similaire : Carmen Amaya pour le Flamenco gitan et andalou,  Bille Holiday pour le Blues afro-américain, Amalia Rodrigues pour le Fado portugais, Oum Kalsoum pour la psalmodie orientale arabe.
 [27] Pierre-Jean Béranger, Les cinq étages, 1830.
 [28] Prise au sens baudelairien
 [29] Celles reprenant les classiques du répertoire (Montero, Vaucaire, Patachou, Morelli…).
 [30] J’ai le cafard (Fréhel, Damia), Louis Despax, Jean Eblinger.
 [31] La coco (Andrée Turcy, Fréhel), Ouvrard, G fils - Paroles : Dufleuve.
 [32] La chanson des fortifs (Fréhel), G. Van  Parys - paroles de M. Vaucaire ;
 [33] L’angélus de la mer (Damia), Léon Durocher, Gustave Goublier.
 [34] Les nocturnes (Berthe Sylva), Gaston Gabaroche, Le Peletier.
 [35] Peut-être les compositions de Piaf ne sont-elles pas les abouties du répertoire chansonnier du moment.  Mais au regard de la vie en rose, de l’hymne à l’amour, de son intervention dans Milord, dans Padam-Padam , on peut aussi nuancer sa perspective. Signalons que la SACEM tarda beaucoup à l’enregistrer et donc à la reconnaître comme auteur. On peut sans mal soupçonner là tout le poids d’un mépris de classe et de sexe.
 [36] En partie, car Sapho est une artiste polymorphe. Je pense notamment à son interprétation remarquable d’Avec le temps de Léo Ferré, en langue arabe, puis précisément en  dialecte marocain, sa langue d’enfance.
 [37] Une belle réussite du groupe Paname Rétro Voix féminine, duo instrumental guitare sèche et contrebasse sur J’ai le cafard interprété par Fréhel et Damia. En revanche une trop grande sophistication du phrasé a capella (Violaine Schwartz sur Où sont tous mes amants ? et un contrepoint contrebasse (Hélène Labarrière) qui ne suit pas le mouvement de valse de la chanson initiale, défait ce répertoire plus qu’il ne le transmet.
 [38] Damia cependant ineffaçable dans Sombre dimanche, malgré Björk, Gainsbourg et même Billie Holiday. 
 [39] Patricia Kaas sur tout un album Kass chante Piaf, 2012
 [40] Louis Armstrong Grace Jones, pour La vie en rose
 [41]  COCTEAU, Jean,  préface  Édith piaf, au bal  de la chance, op.cit.
 [42] RIMBAUD, Arthur, L’éternité, 1872
 [43] LOOSELEY, David,  Édith Piaf, a cultural history, Liverpool University Press, 2015.
 [44] BLISTÈNE, Marcel, Au revoir Édith, Éditions du Gerfaut, Paris, 1963.
 [45] En 1967, Barclay censure la chanson À une chanteuse morte dédiée à Édith Piaf (in album Cette chanson). Ferré se lance dans une procédure judiciaire.
 
 
 
 
 
 
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
 
BELLERET, Robert (2013), Piaf, un mythe français, Paris, Fayard.
BIEMEL Walter (1950, 2015),  Le concept de monde chez Heidegger, Paris, Vrin
BLISTÈNE, Marcel (1963),  Au revoir Édith, Paris, Éditions du Gerfaut.
BONINI, Emmanuel (2008), Piaf, La vérité, Paris, Pygmalion.
COCTEAU, Jean (1958)  préface  Édith piaf, au bal  de la chance, Paris, Archipel.
DENIOT, Joëlle (2014), Édith Piaf, la voix, le geste, l’icône, Paris, Lelivredart.
DESHAYS, Daniel (2006), Pour une écriture du son, Paris, Klincksieck.
ELIOT, Thomas, Stearns (1950, rééd. 1999), Essais choisis, Paris, Seuil.
HEIDEGGER, Martin (1986), L’être et le temps, Paris, Vrin.
LEGENDRE Pierre (1994), Dieu au miroir, Étude sur l’institution des images, Fayard.
LOOSELEY, David (2015),  Édith Piaf, a cultural history, Liverpool, University Press.
MALLARMÉ, Stéphane, 1° éd., 1899, 2° éd. 1992) Poésies, Paris Gallimard.
PIAF, Édith (1958, 2003), Au bal de la chance, Paris, Archipel.
POIZAT, Michel (2001), L'Opéra ou Le Cri de l'ange. Essai sur la jouissance de l'amateur d'opéra, Paris, Métailié.
SERVAT, Henry-Jean (2011), Édith Piaf, Une vie de légende, de la gloire à la misère, Milan, Mandadori.
 
 
 
 
 
 
Les références des montages iconographiques insérés dans ces textes seront mises en ligne prochainement et les images reprises sous forme de planches photographiques récapitulatives. Des illustrations sonores des chansons populaires les plus significatives seront également prochainement installées sur le présent site web dédié à la chanson française.
 
 
Joëlle DENIOT
Professeur de Sociologie à l'Université de Nantes,
membre nommée du CNU.
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